Élise Fabing

Derrière son dynamisme et sa vie d’hyper active, j’ai fait la connaissance d’une trentenaire calme et posée à laquelle on aurait envie de se confier. Elise Fabing, avocate des comportements déviants des entreprises et violences au travail & Co-fondatrice d’Alkemist Avocats, fait partie de ces personnalités charismatique qui inspirent confiance. En tant qu’experte de la visibilité des femmes dirigeantes, j’ai voulu comprendre comment une avocate, investie dans les comportements déviants des entreprises et violences faites au travail, est devenue une star sur Instagram ?

Ma visibilité me permet de porter haut et fort mes engagements.

  • Pouvez-vous me raconter votre parcours ?

Je suis avocate, depuis un peu plus de dix ans, en droit du travail, côté salariés. J’ai choisi cette voie alors que j’étais en classe préparatoire musicale. Après mon Master, j’ai passé le barreau puis intégré le cabinet en droit social, BDD. Quatre ans plus tard, j’étais nommée associée alors que j’étais enceinte. J’ai, cependant, toujours su que j’avais besoin d’autre chose. Il y a deux ans et demi, j’ai donc fondé, avec ma meilleure amie Alice Goutner, le cabinet Alkemist où nous exerçons le droit social et du tourisme. Le principe : être accessible à tous grâce à un système de forfaits illimités. Notre entourage se posait pas mal de questions, car on quittait un cabinet avec des dossiers intéressants dans lequel nous étions heureuse. Aujourd’hui, on peut dire que c’est notre plus belle aventure !

  • Comment étiez-vous enfant ?

J’ai toujours eu la notion de justice en tête. Quand j’étais petite fille, je jouais autour de procès inventés et je lisais de la littérature judiciaire. Ma seule hésitation consistait à savoir si je devais intégrer la magistrature ou le métier d’avocate. Avec ma sœur, nous avons été élevées avec l’idée que nous pouvions réaliser nos rêves. Alors, même s’il n’y avait pas d’avocate dans la famille, c’était possible ! Ma sœur a d’ailleurs également réalisé son rêve qui était celui de devenir pharmacienne.

  • Vous répondez pendant une demi-heure  bénévolement aux questions juridiques des salariés en live tous les lundis et jeudis soirs sur Instagram avec @balancetonagency et @balancetastartup. Comment vous est venue l’idée ?

Tout a commencé par hasard. J’ai répondu, un soir, un peu énervée à un post sur Facebook qui concernait un fait de harcèlement sexuel. Et ça a fait un mini buzz. J’ai ensuite été contactée par @balancetonagency pour animer des Instalives. Les premiers lives étaient plutôt hasardeux ! Il y avait peu de monde sur le compte, puis peu à peu c’est devenu un grand succès. J’ai ensuite été contactée par @balancetastartup.

  • Comment vos interventions sur Instagram sont-elles perçues ?

J’ai à la fois des soutiens et des haters. Mais, je suis de nature assez aventurière ! Concernant mon image, je n’ai jamais rien anticipé. Je me laisse portée par le hasard et l’intuition. Je trouve que ce système permet un accès facile au droit du travail qui par ailleurs est une vraie question en soi. Je n’ai jamais pensé que cela pourrait entraîner un problème concernant ma relation clients. Ce n’est qu’après que je me suis posée la question ! Pour moi, ce n’est pas grave d’être clivant, je n’ai jamais eu peur de ça. J’ai toujours su que ce que je faisais était bien sur le fond. Et, finalement, j’ai vu que mes interventions sur Instagram plaisaient. Je reçois d’ailleurs énormément de remerciements. Il est vrai que cette démarche peut poser problème à certains avocats, mais je suis persuadée de sa justesse de la démarche. C’est vraiment un excellent moyen de permettre l’accès au droit pour tous.

  • Comment gérez-vous le sexisme dans votre profession ?

C’est compliqué ! En ce qui me concerne personnellement, j’ai le luxe d’être ma propre patronne et de pouvoir choisir mes dossiers. Par ailleurs, précédemment, j’étais dans un cabinet familial qui était une sorte de cocon pour moi. Bien sûr, il reste le sexisme à gérer avec certains de mes confrères. Aujourd’hui, j’ai décidé de ne pas subir, je suis intransigeante. Mon équipe est d’ailleurs exclusivement composée de femmes avocates, j’apporte ainsi ma pierre à l’édifice.

  • Quel est votre plus gros challenge du moment ?

Passer mon permis de conduire !

  • Comment faites-vous pour gérer l’équilibre vie privée et vie professionnelle ? 

C’est au conjoint qu’il faut poser la question ! Moi, je n’ai pas de recettes. Pour m’occuper de mes deux enfants, j’ai simplement un conjoint impliqué. Le secret, c’est le partage ! J’ai également la chance de pouvoir gérer mon emploi du temps, une vraie liberté. Et j’ai arrêté de rechercher la perfection !

  • Qu’est-ce qui vous donne l’envie de vous lever le matin ?

Avec mes deux enfants de 16 mois et 6 ans, je n’ai pas vraiment le choix ! Je me lève pour les préparer et les habiller ;-)

  • L’échec qui vous a fait grandir ?

Il y en a eu plusieurs. J’ai notamment eu un stage de fin d’études très compliqué. Alors que j’avais passé plusieurs mois à travailler comme une acharnée, mon maître de stage a saisi le Conseil de discipline de l’Ordre des avocats parce que j’avais posé un congé maladie d’une semaine. Ça été un vrai déclic, j’ai réalisé que je ne voulais pas travailler comme ça. Je me suis d’abord remise en question, puis j’ai eu la chance de trouver une magnifique collaboration.

Autre situation que j’ai vécu comme un échec, le fait d’avoir échoué à la magistrature. Mais finalement, en y réfléchissant, j’aurais été incapable de me plier à une telle hiérarchie. Rien n’arrive par hasard.

  • Votre plus grande fierté ?

Mon équipe, exclusivement féminine, est incroyable ! En effet, la discrimination sexiste est un choix qui nécessite un engagement spécifique et qui de fait attire nécessairement plus de de femmes que d’hommes. Grâce à mon exposition médiatique et à celle du Cabinet, j’ai pu attirer des profils incroyables. Les jeunes avocates que j’accompagne sont engagées et brillantes. On gère des dossiers de principe qui requièrent une certaine sensibilité et créativité alliées à la rigueur.

  • Alors que seulement 5 % des femmes dirigeantes sont présentes dans les médias, vous incarnez parfaitement les sujets que vous défendez et gérez magnifiquement votre image / visibilité, est-ce que cela a toujours été une évidence ? 

Je gère plutôt mon image dans le stress car je n’anticipe jamais rien. Tout est toujours arrivé par hasard. La presse m’oblige à parler de moi et ce n’est pas du tout une évidence, ça me force vraiment à sortir de ma zone de confort. La visibilité touche à l’intimité. Lorsque je m’expose lors d’une plaidoirie, ça n’a rien à voir, la robe me sert d’armure et je m’exprime au nom de mon client. Mais, même s’il est difficile, pour moi, d’assumer cette visibilité, cela me permet de porter mes engagements haut et fort. Je suis heureuse de pouvoir sensibiliser aux problématiques de violences faites au travail.

  • Un conseil global à donner aux femmes entrepreneures ?

Mon conseil : croire en soi et ne pas trop écouter les autres. Il faut rester fidèle à soi-même, ne jamais se couper de sa voix intérieure et oser se jeter dans le bain. Arrêtons avec le syndrome de l’imposteur, il est temps arrêter de se détacher de ses  croyances limitantes. Je n’ai écouté personne avant de fonder mon cabinet, sinon je ne l’aurai pas fait ! Il faut se souvenir de ses rêves, se dire que c’est possible. Se faire confiance, s’écouter. Je crois qu’on peut tout avoir si on ne fait pas de concession. Quand on est bon dans ce qu’on fait, ça marche. Lorsque je suis arrivée de ma province à Paris, je n’avais aucune connexion et j’ai fait des rencontres incroyables. J’ai saisi toutes les opportunités qui s’offraient à moi. Il faut savoir donner pour recevoir.

  • Quel est votre « role model » ? 

L’avocate Gisèle Halimi, bien sûr. Elle est la meilleure de nous toutes. Elle a pris beaucoup de risques et était visionnaire. D’ailleurs, elle pensait que les futurs combats entre hommes et femmes auraient lieu dans le domaine du droit du travail.

  • Quel est votre prochain rêve / ambition ?

J’attends des réformes sociales concernant les violences faites au travail. Et plus globalement une réforme du droit du travail qui permettrait une relation plus équilibrée entre les employeurs et les salariés. Il n’existe pas assez de contraintes pour les entreprises aujourd’hui. C’est un enjeu sociétal majeur. Aujourd’hui, plus de huit millions de personnes se considèrent comme harcelées sur leur lieu de travail. Pour moi, c’est un vrai sujet de campagne de 2022.

©annecharlottemoulard