Ninne Communication interview Stéphanie Gicquel

Avocate, écrivaine, sportive de haut niveau et exploratrice, Stéphanie Gicquel nous fascine autant qu’elle nous inspire. En repoussant sans cesse les limites de l’extrême, elle nous livre le message que rien n’est impossible dès lors qu’on le décide vraiment !

Cette athlète française, avocate d’affaires, née à Carcassonne le 9 juillet 1982, est devenue adepte de la course d’ultra fond et championne de France des 24 heures en 2018. Grâce à sa personnalité hors norme, son mental d’acier et un entraînement sans relâche, elle est aujourd’hui également exploratrice et détient depuis 2015 le record du plus long raid à ski réalisé par une femme en Antarctique.

Rencontre avec une femme d’exception.

 

Mes rêves, je les transforme en objectifs.

 

  • Comment passe-t-on d’avocate d’affaires à sportive de haut niveau, exploratrice et écrivaine ?

Dans mon enfance, je ne voyageais pas, mais c’était mon rêve. J’avais envie de découvrir le monde et ses différentes cultures. Très tôt, j’ai intégré le fait que la vie est courte et qu’on peut la perdre à tout moment. Cette prise de conscience m’a toujours habitée et j’ai donc fait mes choix en fonction. Pour atteindre ce mode de vie, je n’ai pas eu d’autres moyens que les études pour y arriver. J’ai donc fait une école de commerce, qui me paraissait très ouverte à Paris, ce qui était déjà une grande aventure pour moi ! Puis, j’ai remboursé mes prêts étudiant en travaillant plusieurs années en cabinet d’avocat.

Dans ma quête du « mieux comprendre » ce qui m’entourait, il y avait aussi l’envie d’appréhender mon environnement économique au sens large. J’ai alors commencé à m’intéresser au domaine du voyage notamment les déserts froids et je me suis engagée dans des expéditions. C’est là que j’ai découvert l’existence d’un nouveau monde qui m’était totalement inconnu.

Mes premières expéditions dans les déserts polaires, suivies des rencontres que j’ai pu faire avec d’autres aventuriers m’ont guidée vers le sport d’aventure. Je me suis immédiatement sentie à l’aise avec l’endurance, plus que certaines personnes parfois davantage entraînées. C’est là que j’ai pris conscience de mon potentiel et que je me suis lancée dans des sports de haut niveau. Pourtant tout semblait déjà écrit à l’avance ! Enfant, je passais mon temps à faire du sport, j’étais constamment à l’extérieur. Sans en avoir conscience, pensant simplement m’amuser, je répétais sans arrêt des enchaînements de roller et de gymnastique. J’étais vraiment dans une volonté de réalisations sportives, de performance, sans pour autant accéder à cet univers dans lequel je n’avais pas grandi. Finalement, je pense que l’on finit toujours par aller vers ce pour quoi on est fait.

 

  • On voudrait toutes avoir le mental de Stéphanie Gicquel ! Comment vous préparez-vous pour une course ?

Ce qui fait que l’on réussit : c’est la motivation ! Il faut être extrêmement motivée par le projet. À chaque début d’aventure, je me demande si cela correspond VRAIMENT à ma motivation, si elle n’a pas été impactée par quoi que ce soit. Est-ce que c’est bien ce que je veux au plus profond de moi ? Parce que, si ce n’est pas le cas, je ne serais pas en mesure d’affronter les obstacles, de les accepter et de les surmonter. Je ne serais pas capable d’endurer les contraintes des entraînements en chambre froide, en cryothérapie, de démarrer à 6 heures du matin, de courir 4 heures, 5 heures voire 6 heures d’affilée.

De l’extérieur, on peut se dire que c’est une souffrance mais quand on est motivée, il s’agit simplement de moyens permettant d’atteindre l’objectif qui nous fait vibrer. On est en phase avec ce qu’on aime.

Il y a ensuite d’autres ressources qui interviennent, comme la discipline, la persévérance, accepter le temps long. On ressent l’urgence de vivre mais on reste serein face au temps qui passe car on sait qu’il faudra parfois plusieurs années pour y parvenir. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé quand j’ai parcouru l’Antarctique, j’ai mis des années à monter ce projet d’expédition.

Aujourd’hui, j’ai des records d’expédition en tête pour lesquels j’ai rencontré des contretemps, un accident l’année dernière, un autre cette année, et des compétitions reportées.

Il y a des records que je sens en moi mais que je ne peux pas réaliser tout de suite. Il est donc important de conserver cette distance par rapport au temps qui passe.

Cette notion prend également tout son sens lors de mes rencontres avec les femmes entrepreneures. Souvent, elles ont peur de ne jamais réussir si ce n’est pas immédiat. Pourtant, dans la plupart des cas, un objectif non atteint aujourd’hui le sera demain.

Nous avons tous des points de départ loin des arrivées, et ce, pour des raisons différentes. Un aventurier peut avoir une facilité dans le sport aventure car il est dans un environnement qu’il connaît depuis petit mais il sera plus en difficulté sur d’autres aspects, en intensité par exemple. Nous avons tous nos points forts et nos points faibles.

Il faut rester serein, décomplexé et prendre conscience que c’est compliqué pour tout le monde. Il est important de ne pas se trouver d’excuse afin de réussir et de trouver le chemin qui nous amène à notre objectif très ambitieux.

 

  • Comment saviez-vous que vous alliez atteindre vos objectifs ?

À un certain niveau d’introspection, on est amené à aller vers ce qui nous correspond intrinsèquement. Il faut s’écouter. Ma voix intérieure m’a amenée à l’endurance. Et, en effet, mon corps est beaucoup plus fait pour cette pratique que pour d’autres sports. Grâce à une motivation sincère, à savoir être alignée avec ce que l’on est vraiment, on atteint ses objectifs. Nous sommes tous différents, avec une forme de singularité, c’est ce qui fait que la motivation sera différente pour chacun d’entre nous. C’est quelque chose de très personnel. On doit souvent sortir de la norme pour faire ce qui nous correspond vraiment.

Ce qui nous fait vibrer ne convient pas forcément aux autres. Quand je parle de course d’expédition polaire, d’ultra endurance, finalement ça fait rarement rêver ! Au contraire, ça fait peur, il fait -50°, il y a des crevasses, des blocs de glace, on est en situation d’inconfort pendant plusieurs mois, sans douche etc. Lorsque j’ai accepté d’avoir cette envie hors norme, j’ai pu aller vers ce type de projet. Dans mon quotidien c’est aussi le cas, j’ai besoin d’être régulièrement déconnectée, je pars en chemin de grande randonnée, en pleine nature, sans réseau, loin de l’agitation du monde. C’est la même chose avec l’écriture, je me coupe de tout. Par ailleurs, j’aime échanger avec les autres, notamment les entrepreneurs et les étudiants. Parfois être loin du monde, finalement c’est être au cœur du monde.

 

  • Selon vous, s’inscrire dans un temps plus long permet-il de mieux appréhender son projet dans le présent ?

Oui, totalement, il y a un paradoxe entre le fait de ressentir l’urgence de vivre : on se lance très vite dans les projets, on n’attend pas, le temps est compté. Mais, il faut aussi du temps sur un chemin d’aventure pour atteindre son objectif. La façon de concilier cette contradiction c’est de vibrer pour chaque instant que l’on vit. Pour tout projet, je suis hors de ma zone de confort, c’est un apprentissage quotidien. Je vise des choses de plus en plus dures et je me visualise en train d’atteindre l’objectif. Il est important de chérir l’instant présent.

 

  • Malgré un agenda très chargé, vous êtes la marraine de plusieurs associations, pourriez-vous nous en dire plus ?

Je suis engagée sur différents projets notamment avec les Petits princes. Il s’agit d’une association dirigée par des personnes très compétentes avec pour objectif de réaliser les rêves d’enfants malades. Depuis une dizaine d’années, des fonds sont levés pour cette cause quand je pars en expédition.

Je suis également marraine d’Assist’ Sports Academy qui soutient les sportifs de haut niveau en reconversion professionnelle. Il y a une limite à la dimension physique, à mon sens on devrait en parler pour chacun. D’ailleurs, le fait d’utiliser le terme de « reconversion » de sportifs de haut niveau laisse entendre qu’on ne devrait avoir qu’une seule activité dans sa vie sans pouvoir en changer…

Je m’investis aussi auprès de Femmes de territoires, qui est un réseau de femmes entrepreneures. Le but est de les faire se réunir régulièrement et qu’elles réseautent entre elles. Il s’agit par ailleurs de créer de l’information sur l’entreprenariat et de la rendre plus accessible pour ces femmes. Marie Eloy, qui en est la responsable, a constaté à travers plusieurs études que la plupart des femmes qui entreprennent ne vivent pas de leur activité. Ce qui est souvent lié au fait qu’elles ne se rencontrent pas suffisamment et n’ont accès à de l’information que tardivement après avoir lancé leur entreprise, comme par exemple la levée de fonds, la création d’un business plan. Elles mettent au final plus de temps pour monter leur projet que les hommes.

 

 « J’étais déterminée à prendre ma place sans attendre vainement que quelqu’un me la donne un jour. » En mouvement, Stéphanie Gicquel

 

  • Votre projet de vie semble parfaitement aligné avec votre personnalité. A quel moment avez-vous su que c’était votre voie ?

Ça a toujours été une évidence au fond, même si je me pose encore beaucoup de questions. À chaque étape importante de ma vie, j’ai vibré pour ce que je faisais.

 

  • En tant que femme et ancienne avocate, comment gérez-vous vos relations dans le monde sportif et celui de l’exploration?

Quand on monte des projets d’expédition, il faut savoir convaincre des entreprises, des collectifs, des coéquipiers et bien sûr les banques pour emprunter des fonds. Il s’agit parfois de missions très coûteuses, notamment pour les expéditions polaires nécessitant un retour sur investissement. Or, mobiliser des partenaires c’est plus compliqué quand on est une femme. Il y a aussi beaucoup de stéréotypes, notamment sur le rapport au corps. Les hommes sont considérés comme “grands et forts” alors qu’il s’agit surtout de préparation, d’endurance et de discipline.

J’ai à cœur aussi de montrer à d’autres femmes qu’elles sont capables de le faire. Elles doivent prendre leur place. Ce serait dommage de ne pas communiquer ma passion auprès des sportives qui ont très envie de partir dans ces régions. La transmission c’est également ce que j’ai envie de faire dans le sport d’aventures.

 

  • Qu’en est-il de votre visibilité qui semble être un succès en tout point ? 

Aujourd’hui, j’évolue dans le sport de haut niveau, la compétition est très présente dans mon quotidien avec des horaires d’entraînement assez lourds. J’ai énormément de sollicitations parfois compliquées à gérer, notamment durant les phases de compétition pendant lesquelles je ne peux pas répondre favorablement.

Or, il est essentiel pour moi de partager ce que j’ai vécu et d’expliquer que la seule limite à nos objectifs est celle que nous leur donnons. C’est naturel pour moi de donner l’exemple.

Concernant les réseaux sociaux, je poste assez peu. En général, sur LinkedIn, je communique toutes les semaines ou toutes les deux semaines. J’en ai une utilisation assez distante.

Mais, quand on monte un projet d’expédition, c’est une véritable entreprise qui nécessite d’en faire connaître l’existence. Il existe une composante pour la communication, une pour la levée de fonds, une collective pour le recrutement de l’équipe et une logistique avec tout ce que ça entraîne comme préparatifs.

La visibilité est un moyen incontournable, en particulier pour certains domaines d’activités. Si on est indépendant ou en profession libérale, c’est un passage obligé pour trouver sa clientèle. Si l’on crée un produit exceptionnel, pour que ça cartonne, il faut communiquer !

 

  • Vous êtes un modèle inspirant en terme de mindset, quels conseils pourriez-vous donner ?

Mon conseil le plus général concerne le fait d’accepter que les choses prennent beaucoup de temps, rien ne se fait du jour au lendemain. En sport de haut niveau, on dit souvent, « On met dix ans pour devenir champion du jour au lendemain », ce qui signifie qu’on a travaillé pendant dix ans mais que de l’extérieur, on vient tout juste d’éclore, or ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.

J’ai remarqué que les deux sujets qui reviennent le plus souvent dans les réseaux de femmes où je suis présente portent sur l’acceptation du temps long et le fait d’avoir assez d’énergie sur le long terme malgré les obstacles. Face à ces problématiques, je dirai qu’il convient d’accepter de ne pas tout concilier, de garder quelques rêves dans un coin de sa tête et d’aller vers ce qui motive le plus même si vous pouvez être prise pour une folle ! Il est vrai qu’on peut être est amenée à travailler jour et nuit avec passion et engagement mais il faut se dire que ça fait partie du package, et encore plus quand le projet est ambitieux.

 

  • Votre prochain défi ?

Aujourd’hui je me concentre sur le sport de haut niveau, je prépare les championnats d’Europe de 2022 qui auront lieu à Vérone en ultra fond et les championnats du monde qui auront lieu aussi cette année, à Berlin, sur le 100 km. J’ai d’autres projets de compétitions et de livres. J’ai beaucoup d’idées donc il faut gérer mon énergie en acceptant d’en mettre certaines dans un coin de ma tête pour le moment !

 

  • De quoi rêvez-vous ?

Des rêves, j’en ai eu beaucoup et à chaque fois, je les ai transformés en objectifs ! J’en ai encore énormément que ce soit dans le domaine de l’exploration polaire ou de l’écriture. Aujourd’hui, ce sont des rêves car le temps et le chemin d’aventure dans lequel je suis ne me permettent pas de les mettre en œuvre mais j’espère qu’ils deviendront de réels objectifs.